Matin brûmeux, soleil lointain,
mon âme est partie marcher dans le couchant obscur. Le poids du corps, le sol
gelé, le craquettement des herbes viennent ourdir mon dessein, malepeur et
espérance se tissent en silence sous la morsure du froid. Tous les possibles se
pressentent et leurs quintessences fourmillent dans mes membres engourdis. Mon
souffle creuse la brume de sa propre blancheur, douce évanescence des rythmes
qui se combinent et s'allient. Je me dilue dans l'ouest. Le noir se déchire, le blanc me
recueille. Son souffle glacé roule dans mes os, palingénésie de l'être en
devenir, ma moelle se concentre, se manifeste. Vigueur sensible du nord, mon
corps se tend sous son influence coercitive. L'incursion en moi de la lumière
froide fait vibrer d'échos sourds la partie immergée de mon être. Puissance
vers le vivant ou implosion vers le néant, je frissonne dans l'attente
incertaine. Le temps suspendu baigne d'éternité l'instant présent. La
respiration du monde incréée me fait ondoyer dans cette plénitude muette. Le chant des anciens transmute le paisible et insuffle ses savoirs. Le jaune transparaît, pérennité de la loi infaillible de l'univers dans les dires de la connaissance. Ma raideur oisive se réchauffe au soleil levant, et l'étreinte frémissante de la vie m'anime d'une mouvance vacillante. Face à l'est, je porte et guide cette chaleur lumineuse dans les tréfonds de mon ossature. Torchère au service de la puissance de ma force naissante, je demeure le relief des enseignements immuables, refuge pour d'autres en attente. Mon chemin se dessine dans l'assurance du cercle des étapes déjà franchies. Je glisse sur les pousses émergeantes du printemps.
Mon sang se teinte du carmin des corps à maturité. Le sud m'appelle, créant à chaque pas ma réalité, je vais… |